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par Philippe JACOB – Docteur en gestion & dirigeant d’Aditis

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Transformation management imprevisibleLe cadre d’action du manager est de moins en moins déterminable. Longtemps, les termes tels que champs de compétences,  territoires de décision, position hiérarchique ont cherché à définir ses fonctions et domaines d’exercice. Mais notre monde est devenu chaotique et surprenant. La crise, ou les crises que nous traversons, économiques, écologiques, sociétales ou sécuritaires, sont tellement quotidiennes que le sens même du mot  finit par nous échapper. Le mot crise est accepté dans notre langue pour signifier une tension soudaine et ponctuelle. Le manager qui l’affronte est alors un guerrier qui fait traverser la crise à son organisation. Ceci postule que des éléments rationnels sont à prendre en compte, des repères dans un chaos de courte durée, et que le manager les apprends et les intègre. Étymologiquement, le mot crise est issu du concept de choix (on peut rappeler une expression de ce sens dans le discours de Pierre Mendes-France – 1953 : «  Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix »). Mais les choix supposés sont ordinairement analysables (« Choisir, cela ne veut pas dire forcément éliminer ceci ou cela, mais réduire ici et parfois augmenter ; en d’autres termes, fixer des rangs de priorité » – discours de Pierre Mendes-France – 1953). La nature des situations que traverse le manager aujourd’hui est bien différente. Crise ? Choix ? Les mots sont inappropriés car ils prennent leur signification dans un univers déterministe. Le manager d’aujourd’hui est immergé dans un espace-temps imprévisible au sein duquel il se doit d’agir et de générer du résultat. Il devient un acteur de la transformation du monde.

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Il faut se rappeler ce que le progrès technologique a produit lors des révolutions industrielles précédentes. Au début du 20ième siècle, que de constructeurs d’automobiles pour nourrir les dernières pages de l’Auto-Vélo (l’ancêtre de l’Équipe), dont très peu ont survécu ! Et ces ingénieurs américains, tant choqués par leurs œuvres mises en action durant la première guerre mondiale, qu’ils décidèrent la formulation d’une charte déontologique commençant par

nous, ingénieurs, jurons de consacrer notre action au bien de l’humanité…,

qui ne semble guère avoir ému ceux qui préparèrent la seconde… Les fusées deviennent des missiles (ce qu’elles étaient au début sous Von-Braun), les télécom des outils d’espionnage (Echelon), et l’on voudrait que les GAFA ne soient que de nobles entrepreneurs humanistes.

jeunesse transformation enjeuxPourtant, il y a cette économie du partage et de la coopération, ce fantastique outil de liberté et d’expression, n’est-ce pas ? Économie de la misère dans un contexte où le danger social et économique est profondément individualisé,  comme le montre la faiblesse collective et syndicale ; outil de tous les dangers quand un opérateur est capable de vous tracer corps et âme sans votre consentement ; quand les réseaux terroristes deviennent les utilisateurs les plus experts et que nos gouvernants y répondent en dérogeant aux droits de l’homme !

Il y a, dans les évolutions sociétales que provoque le digital une question clé : cette technologie va-t-elle servir à mieux merchandiser notre société de consommation (mais les premiers résultats montrent que la croissance pour les pays occidentaux n’est pas au rendez-vous… au contraire), ou bien ouvrira-t-elle un nouvel horizon pour permettre ainsi de construire un nouveau modèle sociétal… Mais lequel ?

Ce sont là les véritables dilemmes de notre monde, ceux que notre jeunesse affrontera, si nous lui laissons les moyens de construire (et non de reconstruire comme le formulent les nostalgiques).

[/vc_column_text][vc_custom_heading text= »Agir et former pour façonner ?
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Et notre manager dans tout cela ? Il est certes un praticien plus qu’un stratège, un acteur plus qu’un penseur… Cependant, la transformation numérique, qui est le marqueur – plus que le moyen – d’une rupture déterminante pour notre monde, le porte aux avant-postes et le confronte à des questions profondes sur le plan éthique, sur ses modes de travail, sur la nature sociale et sociétale de son rôle. Il est le premier constructeur et surtout le premier destructeur qui œuvre dans un monde schumpétérien, portant  sur ses épaules, non pas les objectifs de rentabilité de son dirigeant, mais plus souvent la simple survie de sa famille, de ses amis et de son activité.

Transformation nouvelle visionCeci nous pose une véritable question sur la nature même de la formation que nous leur donnons et des contextes dans lesquels nous faisons évoluer leurs compétences. Et pourquoi alors continuer d’enseigner au manager-apprenant un monde rationnel fait de statistiques, de bases de données, de big-data, d’ERP, de CRM, où la stratégie résulte des influences de l’environnement et du marché, avec tant de SWOT, de BCG ou de McKinsey , où la gestion s’appuie sur la méthode ABC, la balanced scorecard, où l’on analyse les clients avec Pareto (voir à ce propos l’analyse de T. Piketty dans son Capital au XXIème siècle), où les RH mettent en œuvre la GPEC, les référentiels de compétences, où les DSI conçoivent des systèmes de gestion tellement lourds qu’il sont déjà obsolètes lorsqu’ils sont enfin opérationnels !

Car ces approches reposent sur des fondements théoriques et des visions du monde… dépassés ! De nouvelles visions sont déjà présentes et partagées, même si elles ne trouvent pas aujourd’hui les chemins médiatiques. Des changements de paradigme s’opèrent, la critique économique se développe, la vision sociologique change, les approches de gestion se transforment. La pensée échappe aux doctrines de la modernité pour s’ouvrir vers l’avenir et militer pour une construction nouvelle.

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Car nous allons probablement vers un monde de croissance lente, qui fera face à une crise écologique et climatique poussant au déplacement des populations, qui générera une insécurité de plus en plus grande, avec des questions posées sur l’éthique et l’équité plus que sur la liberté et l’égalité, sur la multi-culturalité plus que sur l’identité, sur le sens plus que sur le profit. Et ne devrions-nous pas alors former nos managers à projeter plutôt qu’à analyser, à anticiper plutôt qu’à réagir, à construire plutôt qu’à formuler, à conduire plutôt qu’à suivre, à explorer plutôt qu’à parcourir !

Car la transformation numérique est en marche, mais on peut déjà identifier les aspects surprenants de ses contours. Le citoyen s’y empare de bien d’autres dimensions que celles promises par ses promoteurs. Il quitte son rôle de consommateur sous influence pour celui d’acteur, sans doute aussi sous influence, mais plus volatile, plus émotionnel, moins enfermé dans des stratégies politiques, et moins économiquement tributaire des acteurs de l’économie. Il crée des réseaux, des relais, des actions, il s’implique dans l’humanitaire, l’aide sociale, la solidarité. Paradoxalement, dans un monde où le citoyen participe moins à la vie politique et syndicale, il s’investit plus dans l’action solidaire.

Et ce n’est que le début. L’illusion d’une génération Y, un peu Bobo, un peu Tanguy, et d’une génération Z comme zappeur va s’effacer. L’homme apprend vite. La génération Z n’est plus surprise, elle est pratique et praticienne. Elle sait comment faire et comment y échapper. Elle voit le monde qui était déjà en crise lorsqu’elle était au collège. Elle mesure l’inutilité de la promesse du beau temps après la pluie. Elle sait qu’elle doit construire sa vie, non pas être simplement le réceptacle d’une continuité qui ne lui est pas promise.

Acteur économique, ce nouveau consommateur-citoyen met en danger la pérennité de l’entreprise qui ne prend pas en compte ses nouveaux modes de pensée. Le buzz négatif est devenu la hantise des firmes. Il oblige l’entreprise à revisiter sa politique éthique et sociale. QSE, RSE ne sont pas de vains concepts. Ils deviennent des marqueurs.

Le manager doit intégrer cela dans son action quotidienne. Être capable d’appréhender la complexité, de donner du sens, de travailler en environnement multiculturel, en conciliant l’ancien et le nouveau, le jeune et le vieux, le local et le lointain, l’autre et soi-même. Il devient le catalyseur de l’aventure collective, l’éclaireur, l’orchestrateur d’une construction nouvelle.

Le monde de la formation est confronté en un temps très court à un défi majeur. La poursuite effrénée de l’excellence académique mesurée au classement de Shanghai questionne sur la nature circonstancielle et temporelle de la connaissance générée et des certitudes qu’elle construit. Cela mobilise nos énergies sur de nouveaux apprentissages techniques dont l’utilité sera sans doute assez courte et peu productive au sein d’une société de consommation qui atteint son point limite. Créativité, multi-culturalité, réflexion, approfondissement, co-construction, valeurs, voire transgression sont sans doute les mots qui doivent guider l’architecte d’une formation de managers

A nous de le comprendre et de le mettre en place.

Philippe Jacob

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