À ce jour, nombreuses sont les entreprises qui ont pour vocation d’adopter une vision centrée sur le client. L’amélioration des process, visant une meilleure expérience client et des solutions délivrées avec plus de satisfaction, est devenu un essentiel. En effet, à l’époque où internet redessine l’expérience qu’un client fait d’une entreprise B2B, il s’agit de trouver des méthodes pour réinventer son parcours d’achat, de la réflexion à la transaction.
C’est ce que le Lean Digital Management propose, en instaurant de nouvelles manières de travailler en interne. Zoom sur la nécessité du Lean, et les bonnes pratiques pour l’implémenter dans votre entreprise B2B.
L’enjeu du parcours client dans la transformation digitale
Avec l’arrivée du digital sur le devant de la scène B2B, le parcours client devient omnicanal. Il ne se limite plus à un point de contact direct entre l’entreprise et l’acheteur. Une étude Sirus Decisions signale même que 67% de ce parcours a été effectué grâce à internet. Cette nouvelle dialectique ouvre des possibilités multiples d’interaction avec le client, qui enrichissent son expérience de l’entreprise et de la solution avant même l’acte de transaction.
C’est ainsi que le digital, dans le B2C comme dans le B2B, n’est plus seulement l’apanage du marketing ou de l’IT. La transformation digitale doit impliquer toutes les équipes, dans une logique d’innovation globale :
- En amont de la conception du produit ou du service, le département R&D utilise la data générée et collectée par le digital pour créer une solution utile et rentable.
- En aval de cette conception, les équipes opérationnelles de production utilisent de nouvelles méthodes impliquant des outils numériques, telles que la fabrication additive ou l’assistance par intelligence artificielle.
- À toutes les étapes du parcours client, les commerciaux s’équipent d’un CRM et des réseaux sociaux, pour suivre l’acheteur dans ses différentes phases de réflexion, et utiliser les données pour le servir au mieux.
Élément qui semble négligeable, mais qui construit la crédibilité de l’entreprise à toutes les étapes du parcours client B2B : le CEO ou le DG lui-même de l’entreprise doit impulser le digital dans l’entreprise. En créant sa propre image et son réseau sur internet, il insuffle la transformation digitale et incarne les valeurs de l’entreprise auprès des clients présents sur le web.
C’est dans cette optique d’impliquer tout un chacun dans le redesign du parcours client qu’il devient aujourd’hui indispensable de briser les silos de l’entreprise. Chacun devient maître de la bonne marche de ce parcours client, et apporte l’innovation dans son domaine comme une brique incontournable à l’immense édifice qu’est la transformation digitale.
Et c’est effectivement ce que propose la méthode de Lean Management. Son objectif : repérer, dans les process d’une entreprise, les dysfonctionnements et autres pertes d’efficacité, pour remodeler une organisation interne réellement productive. Ses chevaux de bataille : le gaspillage, les méthodes contre-productives, la perte de temps, mais aussi l’insatisfaction client. Ses armes favorites : les outils digitaux, associés à un nouvel état d’esprit de co-construction de l’avenir de l’entreprise.
Comment installer la méthode Lean dans une entreprise B2B ?
Pour se renseigner à propos des éléments nécessaires pour installer le Lean Digital dans une entreprise, Digital B2B a rencontré Philippe Cavalli, Master Black Chez et Air France et Dirigeant fondateur du cabinet de conseil et de formation Just Quality, il nous a donné les clés d’une opérationnalisation durable et réussie.
Digital B2B : Existe-t-il des étapes-phares à l’implémentation du Lean Digital en entreprise?
Philippe Cavalli : Tout à fait. Il faut sans aucun doute commencer par fortement impliquer les dirigeants dans cette transformation des process internes. Il s’agit de leur donner une vision de ce qu’implique réellement le Lean. Les dirigeants (Top Managers comme managers de proximité) doivent prendre conscience qu’il ne s’agit pas de répondre ponctuellement à des problématiques rencontrées, mais bien plutôt d’insuffler une nouvelle façon d’appréhender ces problèmes. Cela demande un certain recul par rapport aux process des entreprises, qui ne s’arrêtent jamais… et cette étape de motivation de la hiérarchie est donc cruciale.
La deuxième étape consiste à embarquer l’ensemble du personnel, et d’aller chercher les compétences que chacun peut apporter dans la transformation digitale de l’entreprise. Ce qui fait la force de la méthode Lean, c’est qu’elle reconnaît que ce sont les opérateurs, sur le terrain, qui connaissent le mieux les problèmes… et que ce sont donc eux qui ont, sans doute, les solutions les plus efficaces à ces problèmes ! Ainsi, les employés du terrain vont aider à construire la stratégie globale, autant que les dirigeants.
Enfin, la troisième étape veut que l’on communique auprès de toute l’entreprise sur ce que l’on souhaite faire. Si vous ne savez pas communiquer, vous ne passerez aucune transformation dans votre entreprise ! Le principe : la direction descend sur le terrain expliquer aux collaborateurs la façon dont leur métier va évoluer, et les raisons pour lesquelles cette mutation des process et des pratiques est essentielle.
Digital B2B : Rencontre-t-on des particularités, selon le type d’entreprise B2B, dans le déploiement de cette stratégie Lean Digital?
Philippe Cavalli : Du point de vue de la stratégie, non, on ne voit pas fondamentalement de différences. Mais il est vrai que certaines situations, ou certaines structures organisationnelles, nécessite qu’on mette en place des démarches particulières. Je pense notamment à ces entreprises qui marchent bien, trop bien, et qui ne savent plus comment faire pour gérer l’explosion de leur business. Avec eux, il va falloir s’extraire de cette spirale de la course contre la montre, pour prendre du recul et installer le Lean durablement.
Digital B2B : Quels sont les outils que vous utilisez pour déployer le Lean Digital ?
Philippe Cavalli : Il s’agit de nouveaux outils qui permettent de donner de l’autonomie à l’individu, pour l’aider à réfléchir à comment résoudre les problèmes qu’il rencontre au quotidien. La méthode des 5S, qui consiste à réfléchir à des process plus productifs et innovants, permet d’installer le mode de pensée Lean dans les équipes. L’un des outils les plus prometteurs, en termes de digitalisation du parcours client, reste la Value Stream Map. Cette cartographie permet de dessiner ce qui se fait au quotidien, pour modéliser le parcours client et le process d’entreprise qui permet de satisfaire l’acheteur. Cette méthode permet, in fine, de savoir où il est vraiment nécessaire d’injecter du digital dans une entreprise. Car après tout, caler du numérique sur des processus qui ne sont pas organiser, ça ne sert pas à grand chose ! Le digital n’est qu’un outil au service du process d’une entreprise.
Digital B2B : Et la taille de l’entreprise, n’influence-t-elle pas les stratégies de Lean?
Philippe Cavalli : Il est vrai que, dans les grandes entreprises qui disposent d’instances du personnel, l’étape d’impliquer tous les employés va être plus longue. La représentativité des personnels doit absolument être consultée et impliquée dans la démarche Lean. Le risque de négliger cela, c’est que ces instances finissent, une fois la stratégie posée et l’opérationalisation prête, par ne pas faire passer le projet.
Digital B2B : Y a-t-il des prérequis à l’instauration d’une dynamique Lean ?
Philippe Cavalli : Oui, et ce sont des prérequis essentiels pour que le Lean s’installe de manière pérenne, et qu’il ne s’agisse pas d’un coup d’épée dans l’eau. Comme je l’ai mentionné avant, il est essentiel que la direction ait fondamentalement envie de passer au Lean. Pour cela, il leur faut avoir une réelle vision des résultats escomptés… et pas seulement des résultats financiers ! Ces résultats pouvant se manifester à moyen ou long terme, il faut donc leur demander de développer une vision sur 3 ou 5 ans, voire 10 ans pour certaines entreprises.
Digital B2B : Et du point de vue des salariés, justement, quels sont les prérequis cruciaux?
Philippe Cavalli : Chacun des employés doit vouloir aller chercher l’efficience, viser l’excellence. Cela va passer par le fait de leur libérer beaucoup de temps, qu’ils investiront dans la réflexion préalable à la stratégie, puis dans le déploiement du projet. Le Lean, ce n’est pas du one-shot ! C’est pourquoi il est nécessaire de prendre le temps d’installer un système d’amélioration continue, et de se faire aider autant qu’il le faut par un consultant externe, et par le service communication interne.
DigitalB2B : Pourriez-vous nous donner un exemple réussi d’application du Lean Digital dans une entreprise B2B?
Philippe Cavalli : tant que Master Black Belt chez Air France, je peux vous parler de la façon dont cette entreprise d’envergure internationale s’y est pris pour digitaliser ses process. Avec le Lean, nous avons réussi à optimiser le parcours client de nos métiers BtoC. Nos personnels sont par exemple devenus plus réactifs face aux passagers, grâce au déploiement de tablettes jusque dans le hall. Cette technologie, qui paraît toute simple, leur permet pourtant de travailler autrement, et d’accueillir de manière plus personnalisée les clients. Cela a nécessité une bonne formation des personnels au sol, ainsi qu’une adaptation aux besoins réels des clients.
DigitalB2B : Et du côté BtoB d’Air France, que s’est-il passé?
Philippe Cavalli : La plus grande révolution digitale chez Air France se situe, selon moi, dans les métiers BtoB. Je suis issu d’un background universitaire focalisé sur la maintenance aéronautique, il s’agit donc de mon domaine d’expertise. Grâce à l’apport du Lean Digital, sur trois ans, nous avons réussi à faciliter le travail des mécaniciens en charge de la maintenance des avions, en leur transformant leur outil le plus typique : leur caisse à outils. En complément, nous leur avons donné un PC portable, qui leur permet de gérer les différentes parties de l’avion. Le mécano doit tester une fonctionnalité ? Il relie son PC à l’avion, et le logiciel fait les tests. C’est un gage de fiabilité et de sécurité. Le technicien a besoin d’une nouvelle pièce pour réparer l’avion ? Il peut la commander directement à bord de l’avion. Un gain de temps certain, qui permet à Air France d’assurer ses délais de livraison, et donc d’améliorer sa relation client. Il reste tout de même quelques outils manuels aux mécanos, mais ceux-ci sont tracés par radio détection (RFID) pour gagner en sécurité des vols aériens. Cette révolution des process a été longue, mais est passée par une communication très ouverte avec les opérateurs, et une coopération perpétuelle visant l’amélioration continue.
Pour contacter, Linkedin Philippe Cavalli